Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La langue qui ne devait jamais fourcher

roman estonien,homme savait langue serpent,kivirahkL'homme qui savait la langue des serpents, Andrus Kivirähk

Rhaaa quel dommage de n'avoir pas su garder jusqu'à ce soir ma belle humeur de hérisson en boule de ce matin ! Je suis toujours plus productive quand on m'a un peu éperonnée. Au lieu de quoi j'ai pris ce soir une demi-heure pour une petite promenade en bordure de champs et me voilà paisible. Bovine. Et devant la même page qu'hier soir. Sous le regard d'une énorme licorne en peluche. Avec une tablette de chocolat. Ce n'est pas que je manque de choses à dire ! Il y a largement de quoi faire, d'ailleurs le premier mot d'hier (effacé) était "protéiforme". Voilà ce qui arrive quand on ne peut pas sortir de chez soi, on se lance dans des romans estoniens bizarres ! A 50 pages, j'étais conquise. C'est idéal pour un ado bon lecteur me disais-je. J'ai ensuite barré ado. Ou alors un ado bien dans ses baskets, confiant en l'avenir et imperméable au spleen.

A quoi bon développer un argumentaire pour un récit qui dégage une telle impression de nuit d'automne mélancolique ??

Leemet vit dans la forêt, avec sa sœur et sa mère. Il connait la langue des serpents, qui permet non seulement de discuter avec eux mais aussi d'asservir bon nombre d'autres animaux moins évolués. L'élan vient de lui-même s'asseoir dans votre assiette et le loup vous servir de monture. Mais Leemet est le dernier de son époque. Les autres familles quittent peu à peu la forêt, attirées comme des papillons stupides par le village, qui promet à tous une vie de labeur derrière la charrue, à servir les caprices des hommes de fer, à écouter les chants des moines, tout ceci, fourche et miche de pain, étant le must de la modernité. Le petit sauvage dans sa forêt est un sujet de moquerie, quand on peut rêver du pape à Rome et de rattraper les nations civilisées.

Le côté conte, langue des serpents, rêve de Salamandre mythique, croyances païennes m'a énormément plu.  Et c'était extrêmement drôle parfois ! Comme ces ours libidineux et benêts, qui ne peuvent s’empêcher de draguer les femmes mariées et de soupirer après les jeunes filles du village. Ou encore la manière de peindre l'opposition forêt / village, et de nous vendre Jésus et les chevaliers comme des gadgets à la mode. Ou la placidité désespérée de Leemet devant la sottise de ses anciens copains, qui crèvent de faim mais avec la consolation de savoir dire amen.

Leemet est pleinement conscient qu'il n'a pas sa place au village. Et pleinement conscient que son mode de vie est dépassé et va s'éteindre avec lui. La postface dit "pamphlétaire". Mouais. Les postfaces tissent du lien et expliquent tout. Comme si je ne faisais pas déjà bien trop ça toute seule...

Bien sûr qu'il y a une forte dimension satirique, une réflexion très intéressante sur l'évolution des sociétés et l'état "entre deux".  Ce n'est pas une glorification du passé, de l'harmonie avec la nature. Bien des choses déconnent aussi dans la forêt, c'est le propre de tout ce qui décline. Peut-être que c'était bien avant et qu'on aurait souhaité que ça reste comme ça mais enfin, c'est passé, c'est déjà autre chose. Le mouvement est lancé. Un mouvement général qu'on peut accepter, pourquoi pas. Mais vu avec les yeux de l'individu qui aura été le dernier à rester sur place.

Un roman original, fascinant par bien des côtés, mais difficile à conseiller car crépusculaire.

Lien permanent Catégories : Médecine générale 0 commentaire

Les commentaires sont fermés.