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  • Palimpseste du 3e type

    ménagerie de papier,ken liu,est-ce qu on va me dénoncer pour le 11 septembre,la sf comme je l'aimeLa ménagerie de papier, Ken Liu

    Si vous avez déjà passé deux heures à vous creuser la tête pour une malheureuse carte postale, ou pris deux jours pour rédiger un sms, alors, vous comprendrez.

    Aux autres, j'aimerais savoir expliquer que parfois, on sait qu'on ne trouvera pas les bons mots, ceux qui seraient à la hauteur du moment, ceux qui porteraient le juste message. Plus on y attache de valeur, plus longtemps on reste devant la page blanche. A défaut d'éloquence, peut-être fait-on à notre Mercure intime, en écrivant pour effacer vingt fois, l'offrande d'une autre chose précieuse : un peu de notre temps? A charge pour lui de sauver ensuite quelque chose de l'âme du message.

    Ce recueil de nouvelles condense tout ce que j'aime dans la science-fiction / fantasy.
    Pour commencer, j'ai (presque) tout compris. On ne m'a pas saoulée de paradoxes temporels alambiqués, pas égarée dans un trou noir et tout combat spatial, sabre laser, canon ionique m'aura été épargné.

    La qualité littéraire des textes est indéniable. Si les lieux et les époques varient (monde semblable au nôtre, colonisation d'une exoplanète, futur si lointain que la matérialité des corps n'est plus qu'un souvenir) l'ensemble, équilibré et mature, donne l'impression d'une grande cohérence.

    Je ne sais pas si l'image vous parlera comme à moi, mais parfois, dans la SF, j'ai l'impression que l'auteur a laissé son imagination courir librement au plus loin, tandis que là, chaque récit semble un fil déroulé à partir de notre société actuelle, d'une question qui agite la science, ou d'une tendance humaine. Autre façon de le dire: une ligne, plutôt qu'un point qui apparaît sorti de nulle part ?

    Bref, j'ai tout trouvé très poétique et - soupir de bonheur -  merveilleusement respectueux de la diversité des êtres humains.

    La nouvelle la plus émouvante est celle qui donne son titre au recueil, je l'avais gardée pour la fin. La plus ardue est celle qui ouvre le livre, il m'a fallu un petit temps, en lecture à haute voix, pour m'habituer à l'usage du pronom "iels" pour désigner une créature. "Ne laisse pas leur ignorance t'irriter, émet-iels en retour".

    Toutes les grandes questions métaphysiques qui hantent la SF sont abordées tour à tour. Comment se confronter à l'altérité sans y plaquer nos propres valeurs et schémas ? De quoi est fait notre Moi ? Qu'est ce qui nous distingue d'une intelligence artificielle ? Jusqu'où devons-nous être assistés par nos objets connectés ?  Avons-nous besoin de ne plus mourir ? Ajoutez dieu, l'amour, le deuil et des interrogations fines sur le langage. Tout y est.

     

     

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  • A la guerre comme à la guerre

    dead on arrival... c'est pas un prénom ça !Pukhtu (Primo), DOA 

    Je ne regrette pas d'avoir repris les partenariats Folio, je continue d'aller vers des romans que je n'aurais jamais abordés par un autre canal. J'ai beaucoup à dire sur Pukhtu... ce qui n'était pas gagné quand on sait que je déteste par-dessus tout, au ciné comme dans les bouquins, les histoires d'espion, tout ce qui touche à la drogue et que je suis toujours paumée en histoire et incapable de m'y retrouver dans les conflits contemporains.

    Au cours de ma lecture, d'ailleurs, je n'ai pas toujours bien su qui tirait sur qui et à partir d'où. On m'a pourtant gentiment fourni un lexique militaire de 8 pages et une carte des zones frontalières entre l'Afghanistan et le Pakistan. Alors je laissais les uns et les autres traverser par ici, revenir par un chemin caillouteux, se faire repérer là, se tirer dessus, s'enfuir à cheval ou déguisé à l'arrière d'un véhicule, passer d'un côté ou de l'autre, un peu comme on va se chercher des clopes en Espagne, et j'attendais patiemment que quelqu'un rejoigne une ville de la carte pour m'y retrouver. Je suis patiente, quand j'aime.

    Je ne suis même pas contrariée de n'avoir pas aimé les quelques personnages féminins - en dépit de scènes de sexe plutôt hot entre femmes. Dont une lue en diagonale pendant la pause méridienne au boulot. Ne pas lire au boulot !! On a jamais le temps de savourer les bons passages. Idem dans les transports. Un bon livre c'est avec une couette et un thé* ou un chocolat chaud.

    Je ne me suis pas divertie, je n'ai pas été émue, j'ai été impressionnée. Comprenez marquée en profondeur. Comme l'a noté très justement C'era Una Volta dans son article, c'est davantage un documentaire qu'un roman. Je ne sais pas bien quel a été le parcours de l'auteur, mais qu'il ait été à la fois journaliste et militaire ne me surprendrait pas.

    Cynique n'est pas le bon mot. Désabusé, peut-être ? Personne aujourd'hui ne se fait d'illusions sur la guerre.

    "l'enjeu commercial premier de ces deux guerres n'a jamais été la captation des richesses des pays en question mais la guerre elle-même, source d'immenses profits."

    Tout est cliniquement décrit, les sociétés privées de mercenaires qui se font de l'or sur le dos (ou avec la complicité) des gouvernements, les idéaux qui aident, dans un camp comme dans un autre, à ne pas trop réfléchir quand il faut ôter une vie, les consciences en sourdine et les moments où le bouchon ne tient plus.

    Les personnages d'état, qui surplombent la scène, tirent les ficelles, comme à la fête foraine, avec une mallette de cash au bout. Aucun perdant messieurs dames, c'est un business sans fond, amenez vos pelles.

    Impossible de lire ce livre en y trouvant d'un côté les héros américains, de l'autre les infâmes talibans. Sans doute que le chef pachtoune aurait conservé des relations distantes avec les ennemis de l'occident s'il n'avait dû venger ses enfants. D'autres se sont enrôlés par peur, ou par besoin de nourrir leur famille. Ou sont juste là par hasard, à l'aplomb d'un engin explosif ou en contrebas d'un drone. Ces engins froids et mortels hantent le récit de leur présence fantôme, tuent des enfants ou des terroristes, sont les oreilles toujours ouvertes des murs invisibles qui séparent deux civilisations qui semblent à jamais incapables, pourtant, de s'écouter.

    C'est un roman du gris, de la poussière d'un pays rude, de la poussière des corps vaporisés ou des idéaux qui redeviennent poussière à force de lassitude. Un roman qui dépeint avec lucidité une société salie. Ceux qui s’empiffrent de cocaïne ou d'héroïne dans les milieux parisiens privilégiés font tomber leurs billets directement dans les poches du terrorisme sans rien y voir de problématique. Ils baisent là comme d'autres meurent ailleurs, sans plaisir, dans la violence, pour fuir ou dans une vaine tentative de se trouver une identité.

     " Quand ils montent au feu, cette différence entre eux et les cons d'en face, et la camaraderie née d'avoir pataugé ensemble dans la même merde, rendent plus facile de savoir qui défendre et qui descendre. Une conception peut-être naïve des choses, aveugle, limitée, mais éminemment respectable dans sa générosité tordue, mal rétribuée et létales, minoritaire au sein d'une génération avant tout préoccupée par ce qu'a chié Lady Gaga la veille. "

     

     

     

    * terme non contractuel. Un thé est plus probablement une tisane. Je précise pour les puristes.

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