Le Club des Incorrigibles Optimistes, Jean-Michel Guenassia
Avis chrono'
Un tip-top livre, qui fait du bien et qui réchauffe l'âme avec tout ce qu'il faut de jeunesse et de caractères forts. Le tout dans un univers temporel qui n'est habituellement pas celui que je préfère mais ces années 60 sont chevillées aux corps des personnages. On prend l'ensemble sans renâcler, avec grand plaisir.
Goncourt lycéen 2009. C'est écrit au crayon à papier à l'intérieur de la couverture. On dirait mon écriture. Curieux. Même si les lycéens ont souvent bon goût, pourquoi ai-je noté cela? Je me demande d'ailleurs où on recrute ces lycéens-là, et si le livre attendait vraiment depuis 5 ans sur mon étagère.
Je me pose beaucoup de questions, en fait, depuis la fin de ma lecture et d'autant plus depuis trois jours que je cale sur cet article. Syndrome de la page blanche.
Le livre attend des années dans ma PAL, puis une amie me coiffe au poteau et le termine avant moi, qui est convaincue que j'ai d'affreux goûts en matière de livres. Mais elle a aimé. Et après, j'ai aimé aussi. Mais voilà, c'est APRES. Alors ça me perturbe. J'aurais aimé avoir aimé AVANT. Ou pas aimé du tout, APRES: ça m'a toujours semblé plus courtois de faire mine de lui donner raison.
C'era qui a comme toujours à coeur de me décoincer, essaye de me faire revenir aux fondamentaux. Elle a pitié de mon article qui fait en tout et pour tout une ligne, celle avec le titre et l'auteur : "Tu m'as dit que tu avais aimé les personnages. Pourquoi?" Réponse spontanée : "Ils sont russes!" C'era se met à rire et je sens que la soirée va être longue... Mais quoi, c'est vrai! J'aime bien les caractères russes. D'ailleurs quand je vais à la bibli je me dis qu'il faut que je lise un grand roman russe. Mais ils sont souvent si gros que si j'en emprunte un, je ne peux rien emprunter d'autre pour le mois et la tentation est toujours trop grande. Bref.
"ça racontait quoi ?" : Facile ! Le résumé, c'est une partie de mes articles que j'aime bien faire. C'est à la fois personnel et peu exigeant. Je prends le parti - discutable - de dire que c'est l'histoire d'une époque, celle des années 60, de De Gaulle, de la guerre d'Algérie, surtout. Du communisme, du rideau de fer et de ceux qui, pour échapper à la déportation ou à la mort, sont passés à l'Ouest pour atterrir au fond de ce bistrot parisien, lourds de leurs souvenirs, séparés à jamais de leurs familles. Au club des incorrigibles optimistes, on joue aux échecs et on évite de se laisser aller à parler sa langue maternelle pour ne pas se noyer dans les souvenirs. On se chamaille parfois sévèrement. On y croise Sartre et Kessel. Bel univers.
J'ai vraiment eu un coup de coeur pour ces apatrides. Pour leurs manières franches, pour leur philosophie de vie. Les portraits nous arrivent l'un après l'autre, chacun émouvant à sa manière. Je les ai tous aimés avec un faible plus appuyé pour Léonid, grand amoureux.
Pour lier toutes ces existences et passer avec naturel d'une anecdote à une autre, il fallait un fil conducteur et c'est Michel, un jeune homme qui lit en marchant - d'entrée un bon point pour lui. Personnage parfait, parce que jeune, parce que vivant. Un personnage tentaculaire, aussi, qui permet de plonger dans cent thèmes à la fois, avec ses parents qui ne s'entendent plus, son frère qui s'engage en Algérie, ses amours et amitiés qui tournent courts et sa découverte du club. Le plus étonnant, c'est qu'il perd beaucoup, au fil du roman, mais ce n'est pas triste, au contraire, c'est enrichissant et largement compensé. Une belle allégorie de la maturation.
Durant de délicieuses longues heures de lecture, j'ai plongé dans une douce rêverie où l'on reconnaît un cancre à cela qu'il lit en cachette sous son pupitre et où l'on casse joyeusement tous les verres à la première occasion.
Il ne méritait pas ce purgatoire dans ma P.A.L.
P.S. : je le jure, soyez témoins, le mois prochain j'emprunte un roman russe.
Commentaires
Rien à faire. Voilà des années que je n'entends que du bien sur ce roman mais je n'ai toujours pas envie de le lire. Un jour, qui sait ?
Hâte de voir quel grand roman russe tu vas choisir :-)
Le docteur Jivago !
Page 40 je suis déjà complètement paumée dans les personnages!
Aaaaaah c'est le prochain roman russe sur ma liste ! Mais ce sera pour 2015 (voire 2016 ^^), je suis encore en train de me remettre de Guerre et Paix :-D
Je fais le chemin inverse, je me réserve Guerre et Paix pour plus tard. Il est d'une épaisseur indécente!